Avenir

22/07/2020 15:58

La vie est là, partout où je ne suis pas. Personne ne s'en rend compte, ils ne veulent pas voir, surtout ne pas savoir. Ca serait trop dommage, triste, impossible... méprisable. Si ils savaient qui je suis vraiment, ils me quitteraient tous, ils me fuiraient, pas à pas, discrètement, en douceur. C'est trop dérangeant, d'aimer quelqu'un de malade, et ce n'est pas dans l'air du temps. Oh ça ne se ferait pas comme ça, d'un adieu bref. Non, ce ne serait pas acceptable... mais l'usure, oui, le glissement du temps, ferait fuir le remord. Pourtant il n'y a pas de remord qui tienne, je sais que je deviendrais vite un poid, je comprends cette réaction humaine, cette mise à l'écart, cette protection.

La vérité, puisque je ne peux pas la dire, je vais l'écrire ici. Je suis trop fatiguée par la vie pour pouvoir l'affronter. Je fais des études qui me plaisent, mais qui ne mèneront à rien. Je vie avec trop de souffrance et d'angoisse pour pouvoir aboutir à un quelconque diplôme. Si j'ai pu jusqu'ici suivre le cursus ce n'est qu'in extremis, au prix de poignants moments de désespoir, au risque de ma vie. Et si par je ne sais quel miracle je devenais psychologue, je ne pourrais exercer. Car ce n'est pas un métier qui se pratique quand soi-même on s'est perdue dans l'ombre. Je n'aurais pas assez de force pour tenir une quelconque place au sein d'une équipe, ou pour mener un entretien. D'ailleurs, si j'arrive encore à faire croire que j'arrive à vivre normalement, ce n'est que parce qu'à la fac mon seul rôle est de m'asseoir, écouter, ne pas agir. Rester spectatrice, c'est cela ma cachette, mon surci. Mais ça ne pourra durer éternellement, un peu comme si j'étais en attente de ma date de péremption, une échéance inévitable qui ne peut que se raccourcir. Ma vie professionnelle n'aura donc pas de fin heureuse, il sera question de rancœur, de honte, de regrets. Il semble aussi que ma vie personnelle se remplira du vide, je ne sais pas aimer, je suis trop mal pour aimer. Car pour se livrer à l'amour et à la confiance, il faut déjà s'aimer un minimum, il faut être dans votre monde, le vivre. Mais l'illusion que je vous donne à voir est la seule à vivre, il n'y a que cette apparence qui vit pour vous. Je n'aurais donc jamais de mari, ni d'enfant... je crains de perdre aussi mes derniers amis, car vous voir me demande du courage, des efforts, car je dois sans cesse faire croire à cette grande comédie. Alors je m'éloigne... il n'y a aucun avenir pour moi, aucun qui ne vaille la peine d'être vécu.