Artifice

11/01/2012 17:11

Cette forêt semble être le berceau du diable, ses grands arbres étendent malicieusement leurs branches qui paraissent s'agripper les unes aux autres, et leurs feuilles absorbent avidement chaque rayon de soleil. On pourrait croire qu'elle a été désertée par la vie, car nul bruit ne vient déchirer ce souverain silence. Celui qui aurait le malheur de s'y aventurer serait aussitôt foudroyé par ce vent glacial qui vient d'on ne sait où, et ne quitte jamais les lieux. Sa seule chance de survivre serait de fuir, mais où peut-on aller lorsque l'obscurité enchanteresse tarit toute sorte d'espoir ? Le mal y a construit son empire où il règne en maître, jouissant de son autorité pour réduire à néant toute forme d'élan bienfaisant, qui pourrait, sait-on jamais, surgir. Cette tâche lui procurait une étrange et irréelle jubilation enfantine, faite de rire et de contorsions, qui feraient trembler la terre elle-même, si elle le savait. Un jour de pluie, une gouttelette traversa la terreur ambiante pour s'écraser sur un champignon vénéneux, seuls organismes encore tolérés ici bas. Avant de s'évaporer, elle confia aux cieux la déroutante abomination de cette forêt, et ce ne fut pas en vain.

Une magicienne se trouva invitée à combattre cette maléfique abjection, et franchissant le seuil des bois, elle se mit à chanter d'une voix douce et maîtrisée. Le sifflement du vent alors cessa, apeuré par ces paroles de joie. Triomphante, la divine créature laissa échapper quelques larmes de soulagement, qui glissèrent le long de ses joues merveilleuses, et d'une main de génie, elle chassa ses pleurs, pour laisser place à son sourire charmeur. Il séduisit chaque feuille, chaque branche, chaque tronc. Ensuite elle caressa la terre, ce qui mystérieusement et soudainement fit pourrir les champignons, devenus vite visqueux, avant de se liquéfier complètement. Toute chose retrouva son éclat et sa vivacité, puis avec une fabuleuse sagesse, elle utilisa son suprême pouvoir, celui de transmettre la confiance et l'amour. Enfin, avant de disparaître, elle remercia la vie.